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Notre action

In memoriam

CHIMPANZEE TOBY

YOKO

YOKO

1970–2014
 

« Peut-être que ce ne sont pas des étoiles mais plutôt des ouvertures dans les cieux à travers lesquels ceux que nous aimons peuvent luire et nous faire savoir qu’ils sont heureux. »

Yoko souffrait de cirrhose du foie. Il était fort et il a combattu la maladie pendant de nombreuses années. Il laissait rarement paraître combien il était malade, et il n’était pas prêt à lâcher prise. Il aimait sa famille et sa vie au sanctuaire, sauf que la maladie le dérobait de toutes ses forces. Yoko était malade depuis très longtemps, mais sa dernière année a été longue et douloureuse. C’était très difficile pour nous de le voir dans cet état, mais c’était encore plus difficile pour sa famille de chimpanzés.

Durant ses derniers mois, nous avons offert à Yoko la possibilité de déménager de la grande pièce où était sa famille à une petite chambre tranquille où nous aurions pu nous occuper de lui et lui rendre visite plus facilement. Il a examiné notre offre mais l’a rejetée. Il ne voulait pas être seul dans une pièce loin de sa famille et de ses amis. Je l’ai respecté pour avoir pris cette décision.

Ces derniers mois étaient doux amers lorsque nous regardions Yoko essayer de suivre son groupe : Jethro, Regis et sa bonne amie Petra, quand ces derniers se dirigeaient vers les zones de repos près de la fenêtre. Une fois tous ensemble, ils s’asseyaient au soleil en se toilettant mutuellement, avec Yoko au centre, si petit et frêle, entouré de ceux qui l’aimaient et avec qui il avait des liens si forts et pour qui il éprouvait tant d’amour.

Le plus dur pour nous était de le voir dépérir, essayant d’aller dans les différents endroits de la maison des chimpanzés où les repas et les gâteries étaient servis. C’était son moment favori de la journée. Ses pieds étaient très enflés par la maladie et son corps s’affaiblissait de jour en jour, mais son esprit restait fort. Il était heureux de venir voir ce que nous avions à offrir. Normalement, il était le premier arrivé pour les repas, et puis soudain il était le dernier, et finalement il ne pouvait plus s’y rendre du tout. Une fois qu’il a été mis en soins palliatifs, notre personnel attentionné le servait au lit. Ces mois étaient toux et tendres, mais si difficiles pour tous.

Durant ces moments, tant de choses me venaient à l’esprit : l’amour que les chimpanzés ont les uns pour les autres est indéniable. Leur compassion et leur compréhension de la douleur, de la maladie et même de la mort vont bien au-delà de ce que nous pouvions imaginer. Tatu pointait vers Yoko et disait avec le langage des signes : « douleur », et « là-bas… », parce qu’il savait que quelque chose n’allait pas. C’était évident qu’ils ressentaient tout cela par leur langage corporel et par leurs instincts protecteurs. Ils montaient la garde autour de leur bien aimé et se dépêchaient de venir cracher sur nous pour nous en éloigner. Nous savons qu’ils ressentent toutes ces choses lorsque nous entendons leurs appels quand ils se rendent compte que leurs amis sont vraiment partis. Il est impossible que ces moments ne nous touchent pas profondément.

Ces jours étaient si révélateurs quand la fin approchait et que la famille de Yoko a été obligée de quitter la zone où il se trouvait afin que sa famille humaine puisse entrer et s’occuper de lui. C’était profondément émouvant de voir qu’ils comprenaient si clairement nos intentions et notre but. Ils comprenaient aussi lorsqu’on leur a demandé de s’en aller et de laisser Yoko derrière eux. Ils se sont assis près de l’endroit où Yoko et moi étions séparés par les barreaux, ils regardaient et ils étaient à l’écoute du moindre signe de détresse. Ils comprenaient pourquoi j’étais là et ils étaient étrangement calmes et patients. Peut-être ils espéraient que nous puissions faire quelque chose pour leur ami. Mais cela n’a pas été le cas.

Pour moi, c’était des moments de vérité. Même si Yoko était si frêle et faible, son tempérament n’avait pas changé. Il avait peur et il se sentait terriblement vulnérable. Il n’avait jamais fait totalement confiance aux humains et avec raison. Il s’intéressait à nous parce qu’il avait besoin de survivre. Il était intelligent et il avait une personnalité si forte et une si profonde volonté de survie. Il n’abandonnait jamais. Même durant ses derniers jours, il agitait ses bras vers moi pour m’éloigner, tout en criant avec le peu de voix qui lui restait. Mon cher Petit Homme, toujours le guerrier, toujours courageux et intrépide… même durant ses derniers jours.

Cette période a été douloureuse et difficile pour lui. Il savait qu’il avait besoin d’attention et d’aide, mais il était incapable de se permettre de les accepter. C’était le plus dur de tout, mais bien sûr j’avais le plus grand respect et la plus grande estime pour notre « Petit Homme » et son engagement à ne jamais faire confiance aux humains. Comment pouvais-je ne pas comprendre ?

À mesure que la fin approchait et que la qualité de vie de Yoko diminuait grandement, nous avons dû prendre une décision difficile. Je voyais sa famille s’éloigner lentement, s’assoir de plus en plus loin et devenir déprimée et renfermée. On aurait dit qu’ils se sont rendu compte avant moi que leur ami était déjà parti. Même si son corps était encore là, Yoko était rarement réveillé et ne pouvait plus rien faire.

La maladie avait gagné. Elle embrouillait son cerveau, elle enflait son corps, elle lui faisait perdre connaissance. Je pouvais voir Regis, assis pas loin, les jambes croisées, la tête penchée sur sa poitrine, les mains posées sur ses genoux, chaque jour assis un peu plus loin. Je pouvais voir qu’il était passé à autre chose, comme s’il avait accepté ce que nous n’avions pas encore été capables de faire. Regis avait vécu avec son ami presque tous les jours durant 16 ans, et bien sûr il savait que son ami était parti…

C’était à ce moment-là que j’ai su ce que je devais faire. Regis m’a fait savoir qu’il était temps. Notre cher Regis, sensible et hautement protecteur, nous a révélé la vérité : la vie de Yoko n’avait plus de qualité. Il était temps d’y mettre un terme.

« Vivre dans le cœur de ceux que l’on aime c’est ne jamais mourir. » Thomas Campbell

Le seul sanctuaire de chimpanzés au Canada

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