TOM
1959–2009
« Quand j’ai rencontré Tom pour la première fois, j’ai éprouvé une profonde tristesse. Il était gigantesque physiquement et émotionnellement. Il dégageait une très grande énergie mais il était aussi si sage et si affligé, et il avait tellement besoin de recevoir et de donner de l’amour. Tom n’était pas où il aurait dû être. Il aurait dû vivre à l’état sauvage et cette vie lui a été volée. Ce ne serait pas faux de dire que Tom me faisait penser au plus grand gorille du monde : King Kong. » Gloria Grow
Tom était un chimpanzé remarquable et nous nous souvenons encore du rôle qu’il a joué dans la lutte visant à mettre fin à la recherche sur les chimpanzés. Il était un ambassadeur important pour la campagne Release and Restitution (Libération et restitution) de la NEAVS (New England Anti-Vivisection Society) (Société de la Nouvelle-Angleterre contre la vivisection). Tom était et demeure un ambassadeur pour tous les chimpanzés en captivité. Son histoire continue d’être racontée et elle survivra jusqu’à ce que le dernier des chimpanzés dans les laboratoires de recherche soit libéré et vive en sécurité dans un sanctuaire.
Tom est né en Afrique et il a été enlevé à sa mère, à sa famille et à son foyer. Sa liberté lui a été volée à jamais. Il a été expédié aux États-Unis et vendu à un zoo où il a passé les premières années de sa vie. J’ai appris cela d’un homme qui m’a contactée quand il a lu un texte sur Tom. Après avoir discuté avec ce monsieur et entendu ce qu’il avait à dire, j’étais sûre que c’était bien Tom qu’il avait connu en tant que jeune chimpanzé. Cet homme ne savait pas où Tom avait été emmené après le zoo, mais ses propos étaient très logiques. En ce temps-là les jeunes mâles qui causaient des problèmes étaient rapidement vendus à la communauté de la recherche. Et cela a été le sort de Tom.
Je ne sais pas à quelle date exactement Tom a été expédié dans l’enfer de la recherche, mais je sais qu’il appartenait à la Buckshire Corporation. Cette entreprise avait plus d’une succursale et Tom est resté quelques temps à la division du Nouveau Mexique (White Sands, Alamagordo, Nouveau Mexique) et à la division de Pennsylvanie. Il avait environ 15 ans quand lui et six autres chimpanzés ont été vendus. Il s’agissait de Magoo, Susie, Jo Bananas, David, Nancy et Becky. Ils ont été transportés par camion le 30 juillet 1982. Le 13 août Tom, Susie et Magoo sont arrivés au Laboratory for Experimental Medicine and Surgery in Primates (LEMSIP). Les dossiers de cette entreprise ne contenaient aucune information sur les autres chimpanzés. Quel triste et horrible voyage cela a dû être, un voyage que malheureusement tant d’autres chimpanzés ont fait au fil des années.
Tom allait passer quinze ans enfermé dans une cage très différente de celle du zoo. Le laboratoire l’a infecté avec le virus du VIH dans l’espoir qu’il développe le SIDA. Sa vie a été sacrifiée à la recherche pour le bien de l’humanité. Ils ont supposé qu’il mourrait du SIDA, mais cela n’a pas été le cas.
Tom a vécu l’inimaginable. Il a été témoin d’actes des plus violents contre ses compagnons de cellule. Imaginez être seul dans une cage et voir trois ou quatre hommes entrer dans la pièce, habillés tout de blanc, leur visage caché par une visière en plastique, leurs jambes, pieds et mains complètement couverts, et tenant des pistolets et des aiguilles ! Effrayant ! Imaginez la peur qui vous envahit lorsque ces hommes se placent devant une cage et appellent son pensionnaire. Tom a été témoin de cela tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, année après année.
Tom voyait ses amis se faire tirer des fléchettes et il essayait de répondre à leurs appels au secours, de leur offrir du réconfort à partir de sa cage, incapable de les toucher ou de les rejoindre d’aucune manière. Il les voyait tomber dans leur cage en criant et en le regardant pour demander de l’aide. Ensuite il voyait leur vie doucement les quitter jusqu’à ce qu’ils soient totalement immobiles. Il pensait qu’ils venaient de mourir.
La porte de leur cage était alors ouverte et leurs corps bousculés pour vérifier s’ils étaient encore conscients. Ensuite ces hommes tiraient les amis de Tom hors de leur cage. Leurs corps étaient placés dans un wagon et ce dernier emmené dans le couloir. De sa cage, Tom pouvait voir ces hommes insérer de longues aiguilles dans les corps. Il s’agissait souvent de biopsies du foie. D’autres procédures avaient également lieu, toutes visibles de la cage de Tom. Ou alors un de ses amis pouvait être emmené au bloc opératoire.
À plusieurs occasions, ses compagnons de revenaient jamais. Certains mourraient, d’autres étaient transférés et n’étaient plus revus. Mais peut-être, les jours d’été, lorsque les portes étaient ouvertes, Tom aurait pu entendre l’appel d’un de ses amis? Même s’il n’aurait jamais eu la chance de le revoir.
Durant presque toute sa vie Tom a dû non seulement être témoin de ces actes de cruauté au nom de la science, mais il a dû aussi les subir. Pendant ses années passées au laboratoire il a été dardé et assommé (pour subir une anesthésie) des centaines de fois. En ce temps-là, la plupart des chimpanzés faisaient l’objet d’expériences très fréquentes parce que très peu d’entre eux étaient disponibles. Durant ces premières années, les bébés ne naissaient pas dans les laboratoires. Ils viendraient plus tard. Les laboratoires avaient alors des surplus de jeunes chimpanzés et c’était devenu un embarras pour le pays. Encore aujourd’hui aux États-Unis il y a beaucoup trop de chimpanzés dans les laboratoires de recherche et pas assez d’argent pour les faire sortir de là ou pour s’en occuper. Des bénéfices de milliards de dollars ont été réalisés en « utilisant » ces chimpanzés, mais pas un sous n’a jamais été mis de côté pour s’en occuper une fois que l’on n’a plus besoin d’eux.
Durant ses années passées dans la recherche, Tom recevait des dards toutes les semaines, il se faisait assommer et il subissait des procédures. Éventuellement, à cause de ces traitements, à cause du manque de compassion des humains et de sa perte de confiance en eux, Tom est devenu colérique. Mais il était aussi las, amer et n’avait plus confiance en personne. Évidemment il devenait de plus en plus difficile. Il rendait la vie dure aux techniciens qui essayaient d’avoir sa collaboration.
Tom n’avait plus de raison de faire confiance aux gens et personne n’était proche de lui. Chaque individu du laboratoire qui devenait son ami éventuellement le trahissait. Les préposés utilisaient l’amitié pour amadouer un chimpanzé et le faire aller dans un coin de sa cage, ou pour l’inciter à offrir son bras pour une piqure. Au laboratoire, les chimpanzés vont souvent s’attacher à quelqu’un qui semble être gentil avec eux, ou qui est prévenant et généreux. Ils n’ont rien d’autre et sont à la merci des humains qui déposent leur nourriture dans leur boîte d’alimentation ou versent l’eau dans leur bol. Ces humains tous vêtus de blanc qui amènent des fruits et des légumes deviennent comme des dieux.
Imaginez comment vous vous sentiriez si vous deviez être gentil pour recevoir de la nourriture ! C’est de cette façon que fonctionnent les laboratoires. Si un chimpanzé se comporte bien, il reçoit quelque chose en retour. S’il est vraiment très gentil, il reçoit davantage. Mais s’il désobéit, s’il essaie d’agripper quelqu’un, s’il crache ou lance des selles, on peut imaginer ce qu’il reçoit en retour, derrière ses barreaux.
Je crois que la majorité des gens sont d’avis que les animaux dans les laboratoires de recherche devraient être traités humainement. Ils pensent aussi que ces animaux sont traités convenablement. Après tout, nous les sacrifions pour notre bien collectif. Les gens supposent donc que les nécessités de base, nourriture, eau et un lit, sont offerts sans attentes. Toutefois, il a été prouvé encore et encore que ce n’est pas toujours le cas et qu’un échange est exigé. Les chimpanzés doivent donner pour recevoir la moindre chose.
Pour moi, il s’agit là d’une des pires tortures : se voir privé de nourriture et d’eau et devoir négocier pour les obtenir. Quel droit avons-nous de priver ces chimpanzés de ces nécessités de base ? Ils sont enfermés dans des petites cages et ne peuvent pas obtenir ces choses eux-mêmes. Ils appartiennent à des corporations qui valent plusieurs milliards de dollars et ils sont utilisés comme cobayes par certaines des organisations les plus riches au monde. Et pourtant ces gens ne sont pas capables de s’assurer que leurs sujets de recherches soient bien soignés et que leurs besoins de base soient satisfaits librement. C’est terriblement mal et cela doit cesser. Les médecins, les pharmaciens, les chercheurs et les scientifiques, tous étant parmi les gens les plus intelligents de notre communauté, sont au courant de ces atrocités et ne font rien pour les stopper. Ces professionnels devraient être plus avisés.
Tom n’en pouvait plus de tout cela et, quand nous l’avons rencontré, il ne voulait plus négocier. Après avoir reçu tant de drogues pendant tant d’années, il était devenu très résistant à ces substances et les laboratoires devaient lui administrer des doses de plus en plus fortes pour l’anesthésier. Chaque fois qu’on se servait de lui, son corps en payait les conséquences.
Un jour, j’étais au laboratoire quand quatre hommes ont ramené ce pauvre diable et l’ont jeté dans sa cage en acier. À mesure que Tom se réveillait après sa vasectomie, je le voyais se débattre sur le plancher froid et crasseux de la cage, je le voyais essayer désespérément de grimper et de s’enfuir, de tirer sur les chaines qui soutenait le pneu qui constituait son lit. C’était insupportable ! Mais pire encore, j’étais la seule à me rendre compte à quel point tout cela était horrible. Les individus autour de moi étaient désensibilisés. C’est ce qui arrive aux gens qui doivent faire ce genre de choses tous les jours. Par exemple, ceux qui abattent des animaux de ferme, coupent des gorges sans remord, sans sentiments, leur sensibilité endormie.
Tom a vécu l’enfer et son corps ne s’en est jamais remis. Mais son cerveau et son âme ont eu droit à une nouvelle vie quand il est arrivé au sanctuaire. Tom a embrassé cette vie avec chaque fibre de son être. Il a forgé une relation affectueuse et attentionnée avec un humain spécial et, surtout, il a trouvé un amour profond et durable avec sa famille de chimpanzés.
Tom était un chimpanzé majestueux; si présent, si plein de vie, si conscient de son entourage et si vocal. Il avait ses préférés, il savait ce qu’il voulait, et il savait l’exprimer clairement. Il a changé notre manière de faire les choses à Fauna. Il a guidé un groupe de jeunes mâles dans leur adolescence au moyen de règles et de limites, et chacun d’entre eux devenait plus sage et plus sûr de lui chaque jour qu’il passait avec Tom.
Tom soutenait et protégeait aussi ses amis de son âge. Il vivait avec certains des chimpanzés les plus atteints, ceux qui étaient les plus troublés et usés après toutes leurs années passées derrière des barreaux. Pourtant, Tom trouvait toujours des moyens de prendre soin d’eux. Il s’occupait de Donna, Rae, Yoko, Pablo et même de Jeannie. Quand il a quitté le laboratoire, il a eu une deuxième chance et la vie au sanctuaire l’a sauvé, l’a aidé à récupérer et lui a appris à faire confiance de nouveau. Tom était remarquable.
Nous devons, jusqu’à notre dernier souffle, parler pour ces âmes spéciales enfermées dans des institutions de recherche. Nous devons questionner les chercheurs, les techniciens ou les vétérinaires qui travaillent dans les laboratoires lorsqu’ils nous disent qu’ils « se soucient » de leurs sujets. S’ils s’en souciaient vraiment, ils ne leur feraient pas ce qu’ils leur font. Ils mettraient tout en œuvre pour les libérer ou pour dénoncer ces cruautés. Ou alors ils quitteraient ces entreprises et ne participeraient plus à ces recherches. Si personne n’accepte de faire ce travail, les recherches cesseraient. Tout est dans les mains d’un petit nombre de personnes qui ont le pouvoir de mettre un terme à tout cela s’ils le veulent. Il suffit qu’ils cessent de se convaincre qu’ils prennent soin des animaux, que les animaux ont besoin d’eux, ou que la recherche est essentielle pour sauver des vies humaines. Il a été prouvé encore et encore que cela n’est pas le cas. C’est inacceptable de faire du mal à un autre être vivant.
« La joie extraordinaire de se voir accepté dans le plan divin n’est nullement diminuée lorsque l’on découvre que de nombreux érudits sacerdotaux sont des manipulateurs barbares. » John Kaminski
Le seul sanctuaire de chimpanzés au Canada
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