JEANNIE
1975–2007
« Lorsque nous torturons, nous nous éloignons de notre humanité. » Alexander Solzhenitsyn
Jeannie avait de très beaux yeux et lorsqu’elle a posé son regard sur le mien pour la première fois, elle a rejoint mon âme et a vu tout ce qu’il y a de bon et de doux en moi. Elle a réussi à mettre en lumière cette bonté et m’a changée à tout jamais en un coup d’œil.
Jeannie restera toujours dans nos cœurs. Son histoire en est une de souffrance et de dégradation. Jeannie a subi une perte d’esprit et d’espoir qui lui ont presque fait perdre la raison. Elle représente tous ces pauvres malheureux dans les laboratoires de recherche qui craquent ; ceux qui un jour, simplement, n’en peuvent plus.
Jeannie, comme tant d’individus qui n’arrivent plus à trouver la force pour continuer à endurer les rigueurs de la routine quotidienne et des protocoles brutaux de recherche, préférait se faire du mal ou se rouler en boule dans un coin plutôt que de faire face à son quotidien. Jeannie a été tellement traumatisée et ressentait tellement de tristesse qu’elle en a presque perdu la raison. Elle a dû être retirée des études et « mise de côté » pendant possiblement des décennies.
Elle était incapable de tolérer ou d’accepter les conditions de vie du laboratoire et elle a finalement été envoyée dans un sanctuaire afin de préserver le peu d’elle-même qui restait. Elle avait désespérément besoin d’en finir de cette vie de laboratoire. Là-bas, Jeannie était réactive, faisait des crises, elle s’auto mutilait, souffrait de dépression, de peur et d’anxiété déclenchées par le moindre changement, par une image, par une personne ou par des bruits.
Tout lui faisait peur et presque rien ne la consolait ni ne lui apportait du réconfort. Elle était profondément désespérée, son monde tellement hors de contrôle qu’elle-même était hors de contrôle. C’était difficile d’être témoin de ses crises, de sentir son énergie aller en augmentant jusqu’à ce qu’elle craque totalement.
Ce que j’ai vu le premier jour où j’ai rencontré Jeannie m’a probablement changée pour le reste de ma vie. J’ai constaté à quel point Jeannie était effrayée. C’était absolument horrible d’être près d’elle quand elle perdait le contrôle. Lorsqu’elle voyait ou entendait quelque chose qui la bouleversait, cela déclenchait chez elle une réaction si intense qu’elle perdait le contrôle d’elle-même. Son poil s’hérissait, sa posture changeait, ses beaux yeux devenaient durs, son doux visage se déformait, elle criait et elle salivait. Ses yeux roulaient en arrière, elle était totalement hors de contrôle et c’était impossible de la joindre.
Son corps dégageait alors une odeur intense pendant qu’elle tournait dans sa cage en agitant ses bras et ses mains dans les airs, cognant la cage avec tellement d’intensité qu’on pensait qu’elle allait se casser quelque chose. Mais non. Cela faisait partie de son rituel. Une fois qu’un épisode commençait, c’était impossible de l’interrompre ou de l’arrêter. Elle était ailleurs et c’est comme si elle ne pouvait plus sentir la douleur. Il fallait attendre la fin de l’épisode et espérer que la crise ne dégénère pas en auto mutilation. Elle pouvait se gifler le visage et attaquer son corps avec ses propres mains. Elle mordait ses doigts comme s’ils n’étaient pas les siens jusqu’à ce qu’ils saignent.
Ces épisodes horribles lui faisaient perdre du sang, la vidaient de son énergie et l’épuisaient tellement que par la suite elle dormait pendant des heures. Ces souvenirs sont encore extrêmement vivants, les odeurs encore présentes dans ma mémoire et sa souffrance profondément ancrée dans mon cœur.
Il y a tellement de créatures innocentes dont les jours ressemblent à s’y méprendre à ceux de Jeannie. Ceux dont le niveau de stress est tellement élevé qu’ils n’arrivent plus à le supporter, et ceux dont les traumatismes et les souffrances égalent ceux de Jeannie. C’est pour eux que l’histoire de Jeannie doit être racontée.
Jeannie souffrait du Syndrome de stress post traumatique, et la recherche a démontré que de nombreux chimpanzés utilisés pour la recherche aujourd’hui souffrent aussi de ce syndrome. Chacun d’entre eux a droit à ce que leurs souffrances cessent. Leurs tourments doivent être reconnus et nous devons les aider. L’histoire de Jeannie doit être racontée afin que les nombreux chimpanzés dans la recherche qui souffrent de ce syndrome soient relâchés le plus tôt possible. Ils ont besoin d’un endroit sécuritaire, loin des protocoles et des rigueurs de la vie en laboratoire.
Une fois que ces chimpanzés sont placés dans un nouvel environnement, ils s’épanouissent. Ils peuvent se reposer, ils peuvent avoir la paix et se sentir mieux. Jeannie s’est améliorée. Elle avait de longues périodes où elle n’avait pas de crise, et l’intensité des épisodes qu’elle avait encore était beaucoup moindre. Elle a appris à tolérer des amis pendant de courtes périodes et elle semblait même anticiper les visites de sa famille de chimpanzés. Elle a retrouvé une vie et un but dans la vie. Mais plus que toute autre chose, elle avait de l’espoir. Tous les jours, elle avait quelque chose d’agréable qui l’attendait. Elle appréciait le temps qu’elle passait avec des amis et elle avait un environnement isolé et protégé dans lequel elle pouvait s’épanouir. Elle aimait la sensation d’une pluie légère sur son visage, elle aimait se coucher sur un sol bien lisse, elle aimait le thé chaud, elle aimait qu’on la touche et elle aimait tenir ma main. Mais plus que tout, elle était heureuse d’être entourée de ceux qui comptaient pour elle. Elle nous a touchés et nous l’avons touchée en retour.
Chaque chimpanzé utilisé pour la recherche mérite la même chance que Jeannie a eue. Chaque chimpanzé dans la recherche doit cesser de subir la douleur et les traumatismes de la vie en laboratoire. Aucun être vivant de devrait endurer ce que Jeannie et ses semblables vivent. C’est une existence qui détruit le corps, l’esprit et l’âme. C’est tellement inutile et tellement malfaisant. Aucun chimpanzé de devrait jamais devoir vivre ainsi.
Souvenez-vous donc de Jeannie et faites quelque chose pour aider ceux qui comme elles sont encore utilisés pour la recherche. Ils ont besoin de votre aide. Faites une différence dans une vie aujourd’hui. Vous ne le regretterez jamais.
Le seul sanctuaire de chimpanzés au Canada
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